la Patache & Tournerond
Voici une gravure de 1848 représentant une vue sur l'Erdre depuis le pont de la Tortière vers le centre ville :


Comment prendre le même paysage de nos jours ?
Tout d'abord, on repère les indices :
- le commentaire de la gravure nous indique qu'elle a été dessinée depuis l'emplacement de l'actuel pont de la Tortière. On va sur place et on regarde vers le centre ville. Que voit-on ? Peu de chose. la gravure montre des rives assez nues et peu de bâti, mais de nos jours, les rives sont très boisées, et aussi très habitées. Le rideau des arbres, des quais hauts et des immeubles interdit toute vue panoramique jusqu'à la cathédrale. On a beau se mettre au pied d'une pile du pont, près des perrés, sur une barque, on a beaucoup de mal à appréhender l'ancien paysage de manière fiable.
- il faut alors essayer de repérer les éléments marquants ou intemporels du paysage. ici, on remarque : la maison du Général Lamoricière (toujours là), la cathédrale (toujours au même endroit), le manoir à la Patache, accompagné de quelques masures (tout ça détruits), le parc du Godinet avec son abri de jardin maçonné au toit pointu (au premier plan sur la gauche de la photo; aujourd'hui démoli)
- il faut ensuite positionner sur une vue aérienne ces 4 éléments :
- la maison Lamoricière est toujours visible
- la cathédrale est facilement localisable
- le parc du Godinet qui comprenait le manoir a été rasé quand l'immeuble Val d'Erdre a été édifié en 1959. Une recherche sur les vieilles photos nous permet néanmoins de situer assez précisément la cabane maçonnée : environ 50 m en amont de la base d'aviron.
- le hameau de la Patache est peu connu et peu documenté. En fouillant les archives publiques, on arrive toutefois à localiser ce lieudit sur le côteau de Barbin, juste en face du Port Guichard
On peut alors figurer sur un plan ces 4 éléments et tracer les fuyantes de dessin pour en déduire le lieu de prise de vue.
On va ensuite sur place pour prendre une photo. Mais là encore, au niveau de l'eau, on ne voit rien de probant, à part la maison Lamoricière. Il s'avère indispensable de prendre de la hauteur, en montant sur le tablier du pont ou bien en utilisant les vues aériennes 3D proposées par Google (Earth). On arrive à obtenir ça :


On voit alors bien la maison Lamoricière, on voit aussi la cathédrale. Le hameau de la Patache en rive droite a été remplacé par des immeubles neufs de bords de rivière. La berge a été rectifiée et alignée pour en faire un quai. On devine la limite de l'ancien parc du manoir du Godinet, au niveau du bouquet d'arbres en arrière de l'extrémité du ponton d'aviron.



Est-on satisfait du résultat ? Pas complètement, car malgré la rectification du cours de la rivière opérée en 1876 lors de la construction du Pont de la Tortière, on a quand même l'impression que l'angle de vue de la gravure est moins ouvert, c'est-à-dire que l'observateur était situé plus près de la rive droite.
Et sinon, pourquoi l'artiste n'a t-il pas dessiné le clocher que l'on voit de nos jours derrière la maison Lamoricière ? Etait-ce un choix artistique de sa part ?
Réponse : le clocher visible actuellement dans le paysage est celui de l'église St-Clément. L'église actuelle a vu sa construction débuter en 1841, mais a connu par la suite plusieurs péripéties de financement. Ainsi, en 1848, date de la gravure, les travaux sont stoppés et l'édifice en cours ne mesure que 12m de haut, ce qui le rend masqué par la demeure de Lamoricière. La flèche ne sera achevée qu'en 1868; elle était donc bien absente du paysage en 1848.